Un chien des villes élégant et racé, Le poil luisant et le port élancé, Dans la campagne se promenait. Par les chemins, il vadrouillait.
Soudain dans une clairière isolée, Il vit un vieux loup édenté. Les deux cousins l’un de l’autre curieux Se toisèrent, d’un regard soupçonneux.
Surmontant sa méfiance et son appréhension, Le chien s’adresse au loup avec componction : Je vous trouve famélique, et bien mal arrangé. Et je me sens que vous, bien plus avantagé.
C’est que la vie ici, n’est pas toujours facile, Pour trouver ma pitance j’affronte mille périls. Le fusil du chasseur, et la froidure l’hiver. Souvent je ne me nourris guère, dit le loup solitaire
Pour moi, tout le contraire, c’est banquet tous les jours Ma maîtresse me pare des plus beaux atours L’hiver, alangui, la cheminée me chauffe L’été, à Monaco, au chaud soleil, je m’offre.
Jadis, dans une fable, un certain La Fontaine A écrit que vous portiez des colliers et des chaînes Que l’on vous maltraitait, que l’on vous houspillait. Que vous payez fort cher le prix de votre brouet.
C’était à la campagne, il y a bien longtemps Aujourd’hui, à la ville tout est très différent. Dans certaines familles, riches ou démunies On nous voue, presqu’un culte, un amour infini.
Vous vous moquez de moi, vous me faites marcher Les hommes sont à ce point de vous entichés Qu’ils dépensent leur fortune, alors que sur la terre Des enfants meurent de faim, qu’ils crèvent de misère ?
Savez-vous que des bourgeois fortunés Nous font manucurés et même shampooinés. On porte des bijoux, des manteaux en vison Le chien, d’un aristo, hérite de sa maison.
Je ne vous envie pas, Vous me faites frémir De l’homme la noirceur de l’âme transpire Je ne côtoierais jamais un être si maléfique Qui a perdu ses valeurs, et tout son sens critique.